La généalogie : un long voyage au cours de 4 siècles d'histoire, celle de France dans laquelle s'inscrit mon histoire familiale.

Si la période correspondant à Vernoux dure environ 80 ans, il est surprenant de constater que la présence dans les autres régions jusqu'à Roanne dure en moyenne 40 ans .....

J'entreprends ce voyage pour attribuer à une branche généalogique l'origine de la tache mongoloïde apparue à la naissance de mon fils Julien au bas de son dos et que ma petite fille Jeanne a reçue en héritage. Je souhaite aussi poursuivre les recherches généalogiques commencées par ma mère Georgette en 1973 qui butera sur des démarches longues et fastidieuses, et enfin réaliser un travail de mémoire pour Louise ma grand-mère maternelle. Elle avait un an lorsque sa mère Catherine est morte. Je serais heureuse de retrouver des membres de cette famille.

C'est donc dans la famille de "Mémée" Lou que je choisis mes lauréats : André Laffanaire et Marie Charbonnier,  sont élus couple emblématique de la Saga, parce que nom, migration, énigmes donnent du sens à leur histoire. De Vernoux en Ardèche où ils ont vécu j'irai à Tence  puis à Dunières en Haute-Loire. Au 19ème siècle, Saint-Etienne les verra s'installer. Certains y  resteront d' autres "monteront" à Paris. 

Voilà un voyage qui mérite respect et admiration tant ces ancêtres étaient vaillants à la tâche uniquement pour survivre.

L'origine du nom AFFANAIRE, qui, après avoir revêtu diverses formes (affanayre, lafanayre, lafaraire, laphanaire ...) deviendra Laffanaire lorsque l'orthographe des noms sera fixée (1792 ?), pourrait venir de affaner : gagner avec peine, travailler dur. Le dictionnaire provençal propose une étymologie d'origine latine = affanator = ouvrier, manœuvre "que nul masso , peirier ni afanaire non obre mas a la obra : Que nul maçon, tailleur de pierre ni homme de peine ne travaille qu'à l'oeuvre"

Finalement ce sont Jacqueline Foray et Simone Cimaz de l'association "Les Rias" à St-Appollinaire de Rias -Ardèche- qui donnent  la traduction du  "terrain". La fanaire vient du mot patois la feneira  qui signifie la grange à foin. C'est un nom assez répandu en Ardèche où  aujourd'hui encore la grange à foin est appelée fenière et la coupe du foin la fenaison.

 

Le hameau de La Fanaire situé au dessous de Boffres est sans doute, avant l'existence du château des Faugs du XIXème siècle, une ferme entourée de prairies.  D'après l'analyse de Jean REGNE*  les mas, borias ou granges, sont des "maisons solitaires et champêtres " dispersées çà et là dans la campagne cultivable. Le mas porte en général le nom de celui qui l'a fondé ou de celui qui l'habite. La plupart de ces mas remontent au XIVème et même XIIIème siècle.


Voici le premier acte comportant dans son texte le nom l'affanaire : pour une meilleure compréhension, j'ai transcrit l'acte en langage contemporain 

"le 6 février 1675 mourut au lieu de l'affanaire Paroisse de Boffres un petit enfant âgé d'environ 20 mois nommé Pierre, qui y avait été envoyé pour y être nourri. Son corps repose dans l'église Sainte Croix de Boffres en laquelle il a été inhumé  ...." 

Cet acte mentionne "au lieu de l'affanaire" ce qui confirme une information connue : une famille pouvait recevoir un nom d'origine rappelant la nature ou l'emplacement de son lieu de vie -un terroir, une colline, une forêt, une rivière, une particularité topographique... ici la fenière

Autres origines du nom de famille : ancien prénom de baptême (Nicolas), métier (Meunier, Maréchal.....), apparence physique (Roux, Brun...)sobriquet, trait de caractère (Lesage)

 

Fantaisie dans l'orthographe des noms qui évolue d'un acte à un autre, selon la personne qui écrit,

 la prononciation... Un nom de famille peut même être écrit de manière différente dans le même acte ! 

de 1464 à 1695 : Un vide de 230 ans  !  Sera-t-il  possible de trouver des éléments concernant la période manquante ? les documents sont  difficiles à trouver mais pas impossible ! 

je m'intéresserai donc au couple retenu en complétant les manques chaque fois que ce sera possible.

Antoine épouse Magdelaine Lafont à Vernoux. Antoine habite Lodie paroisse de Vernoux, sa femme habite Fontbonne paroisse de Silhac. 

Que peut-on dire à propos de ces premiers ancêtres dont je trouve matière à rédaction ?  Une question d'abord :

Pour quelle raison le mariage n'est-il pas célébré dans la paroisse de Silhac ? en général  la célébration a lieu dans la paroisse de la future épouse. [Règle encore applicable] Je privilégie 2 explications possibles : 

  1. ainsi qu'en témoigne le vicaire Vivarois, lors de sa tournée en 1583, l'église romane de Silhac est saccagée. Sa reconstruction n'aura lieu qu'au XVIIIème. Nous verrons plus loin qu'André le fils d'Antoine se marie à Silhac en 1718. l'église est-elle reconstruite ? 
  2. Il peut s'agir de la présence du curé ce jour-là à Vernoux.

Je m'appuie sur de nombreux documents référencés dans la rubrique *Sources et Ressources généalogiques pour comprendre ce qu'était la vie simple, ordinaire, rude de ces ancêtres ardéchois.

 

Jean Collomp illustre les modalités du travail au sein d'une unité familiale en milieu rural Haut-Provençal, de ceux qui consacrent une partie, ou la plus grande partie de leur activité professionnelle, à la fabrication, commercialisation ou au transport des draps de laine.  Il relève que les moyens de subsistance de ces unités familiales tiennent au fait que dans les villages et les bourgs chaque maison de tisserand, de marchand drapier ou de muletier tire une grande partie de ses moyens de subsistance de la propriété et du travail de la terre.

Je suis tentée de faire un parallèle pour l'unité familiale qui m'intéresse, le travail de la laine se répandant partout, André et Marie sont cardeurs de laine. Sont-ils propriétaires ? J'imagine qu'ils s'occupent plutôt du troupeau du seigneur ou du coq* du village. Ils élèvent les moutons, les tondent, trient et lavent la laine avant de la carder. Ensuite ils rendent le fruit de leur travail au propriétaire qui se chargera de la vente. 

Antoine, Marie, leurs enfants sont de condition paysanne. Ont-ils hérité du sentiment communautaire de leurs aînés qui ont conclu de nombreuses trêves pendant les guerres de religion pour pouvoir travailler en paix ? Il y a fort à parier qu'ils ont le caractère de ce peuple qui, parce qu'il a eu à se protéger des "gens de guerre"  dès l'époque de la guerre de Cent ans, n'a rien de particulièrement docile

 

Louis XIV est mort depuis 3 ans lorsqu'André et Jeanne Charbonnier, lauréats de cette Saga, se marient à Silhac le 6 septembre 1718. Ils vont connaître une période où la situation économique du Vivarais s'améliore peu à peu. Ils échappent à la peste venue de Marseille, en 1720, qui s'arrête à 80 km de chez eux. 

Sont-ils spectateurs des  "éducateurs" de vers, les magnaniers [de l'occitan magnaus ]? Ils sont, de fait,  peu éloignés de la région de Privas, lieu de culture du ver à soie où le mûrier, introduit par Olivier de Serres, est implanté en masse.

Les commerçants de Nîmes et surtout de Lyon encouragent les propriétaires de moulins à "mouliner", c'est à dire à tordre le fil de soie sur lui-même.

A propos de moulins, on sait que dès la première moitié du XIVème siècle ils sont présents en très grand nombre sur le plateau de Vernoux. Ils sont destinés alors, comme ailleurs, à la mouture des céréales.

 

Le travail du cuir est également présent au  XIVème siècle : un habitant de Chalencon  franchit le péage de La Voulte avec "Les peaux de bœufs du seigneur tous morts de maladie", preuve qu'il ne s'agit pas ici exclusivement de transformer des produits de l'élevage local.

 

Mais revenons à nos moulins ! 

Le moulinage s'effectue le plus souvent sur de la soie importée, la soie vivaroise ne fournissant qu'un  appoint. Puis peu à peu, la présence des mûriers et des mouliniers encourage les paysans aisés à organiser des filatures domestiques, où travaillent les voisines ou les femmes de la maisonnée. En même temps, la papeterie s'installe et prend son essor, surtout à Annonay.

 

 

En ce début de XVIIIème siècle, le Dauphiné voisin établit des taxes pour empêcher l'importation des draps du Vivarais, bon marché et solides, qui concurrencent gravement les siens. Le travail de la peau anime quelques villes. Toutes ces entreprises sont encouragées par la création de deux manufactures royales à Aubenas, l'une pour le coton, l'autre pour la soie. Des mines de "charbon de terre", à Banne, à Prades, intéressent les investisseurs de l'époque. Ces industries profondément enracinées dans le terroir rapportent de l'argent. Mais des innovations culturales de premier ordre améliorent aussi la condition paysanne : d'abord la cartoufle, ou pomme de terre, connue bien avant Parmentier. Les châtaigniers connaissent aussi à cette époque leur apogée : leurs fruits sauvent de la famine bien des communautés paysannes des Cévennes ou des Boutières, le Bas-Vivarais restant à l'écart à cause de la nature calcaire de son sol. L'enquête des Bénédictins, à laquelle répondent les curés de campagne, montre des populations pauvres, souvent frappées par la grêle, les inondations, le gel, mais chacun paraît à peu près manger à sa faim. 

André et Jeanne ont 9 enfants : 

 Pierre,Antoine naît le 19 juin 1719, 9 mois après le mariage ;

Jeanne,Marie en octobre 1721,

Jacques mon fil conducteur, naît en novembre 1723,

Antoine en février 1726, Jeanne en 1729,

Pierre en 1732  puis les 2 filles qui ne survivront pas, Marie Jeanne octobre 1741.

 

Jeanne a 53 ans à la naissance de sa dernière fille ce qui, aujourd'hui paraît improbable, mais, ayant rencontré d'autres cas, je conserve cette information jusqu'à nouvelles données.

              

Selon l'usage le parrain de Pierre est son grand-père paternel Philibert Charbonnier, la marraine sa grand-mère maternelle Magdelaine Lafont .Son nom  deviendra Tournaire sans qu'il s'agisse d'un deuxième mariage. J'ai trouvé des actes où Tournaire est suivi de " dit lafont " Il s'agit, à mon avis, d'un complément permettant de distinguer les individus porteurs du même nom. 

 

Le parrain de Jean-Jacques est Estienne Mon… : l'enfant ne porte pas le prénom de son parrain ce qui n'est pas fréquent ;  sa marraine est Marianne Charbonnier sa tante. Noble Louis Delavèze est présent. Les témoins de ce baptême sont de SilhacL'acte ne porte pas de date ; rédigé par Moreau le suivant du même prêtre est daté du 18 novembre. J'en conclus que ledit Moreau a oublié de dater son acte et qu'il est du 13 ou des jours qui précèdent le 18. Les parrains et marraines des autres enfants sont soit des membres de la famille, soit des individus dont je ne connais pas l'existence. 

 

Les parents, témoins, parrains et marraines sont illettrés, seuls le curé et les nobles signent les actes de naissance et de mariage. Les actes de décès sont signés du curé ; les acolytes du curé ne signent pas toujours

 

 

Pierre et Jeanne naissent à Silhac, les 7 autres enfants à Vernoux. Les mariés restent-t-ils à Silhac près des parents de Marie, travailleurs de terre ?  Quittent-ils Silhac à la naissance de Jean-Jacques pour vivre dans leur propre maison ? Cette maison ressemble-t-elle à ce qui est décrit dans de nombreux ouvrages : la demeure paysanne-type est basse et trapue avec ses ouvertures au midi ou au couchant. Elle s'élève entre une cour et un jardinet et ses dimensions sont assez réduites. Une construction  lui est contiguë, d'autant plus considérable que le bétail est plus important, c'est l'écurie et au dessus le grenier à Foin la feneira. Fréquemment  de petits bâtiments  y sont adossés - étables pour les bêtes à laine, pour les chèvres, les porcs.

 

Il n'est pas rare que des enfants, nés dans des familles modestes, aient pour parrain ou marraine des personnes de qualité : seigneurs, notables, prêtres, les parents étant souvent attachés à leur service.  

 


Toute la famille  vit et travaille à Vernoux, y compris les enfants car il ne faut pas oublier que c'est une vieille tradition dans le monde rural, et plus particulièrement paysan. La durée moyenne de la vie est suffisamment courte pour que l'adolescent soit vite considéré comme un adulte et l'enfant comme un adolescent.

 

Je n'ai trouvé aucune trace des deux premiers enfants  à Vernoux. Pierre et Jeanne sont-ils décédés ou mariés ailleurs ? A Tence ? Les bases d' entraide ardéchoises et altiligériennes sont muettes !

 

En attendant une recherche que j'espère plus fructueuse aux Archives Départementales du Puy, je termine ce premier volet consacré à l'Ardèche et invite à suivre Jean-Jacques Laffanaire à TENCE.

Et pendant ce temps-là

Société

1693-1694 le froid et la famine sévissent sur le royaume. Dans sa lettre à Louis XIV, Fénelon critique la politique royale : "(....) vos peuples (......) meurent de froid. La France entière n'est plus qu'un grand hôpital désolé et sans provision".

 

Vie culturelle - Lettres

En 1626 le poète dramatique Jean Mairet publie "la Sylvanire" une tragi-comédie pastorale.

 

À Paris, le dimanche 26e avril [1671] Madame de Sévigné écrit à sa fille (...) ceci n'est pas une lettre, c'est une relation que vient de me faire M., à votre intention, de ce qui s'est passé à Chantilly touchant Vatel. Je vous écrivis vendredi qu'il s'était poignardé: voici l'affaire en détail (...)

 

 

Hygiène, santé, médecine

François Mauriceau publie en 1668 un manuel des maladies des femmes grosses et accouchées

 

Transports et communications

 

Publié en 1584 "l'état des Postes" indique le nombre de relais de postes, le parcours des routes 

C'est grâce à O. de Serres (1539_1619) que la production de la soie est introduite à grande échelle en France, via le développement de plantations de mûriers dont les vers à soie se nourrissent.

En 1683, Charles Perrault [1628_1703],

 ayant perdu à la fois son poste à l'Académie et sa femme, décide de se consacrer à l'éducation de ses enfants et écrit les Contes de ma mère l'Oye (1697).

Le genre des contes de fées est à la mode dans les salons mondains : les membres de la haute société assistent aux veillées populaires et prennent note des histoires qui s'y racontent. Son recueil intitulé Contes de ma mère l'Oye, où les contes sont à la fois d'inspiration orale (la « Mère l'Oye » désigne la nourrice qui raconte des histoires aux enfants) et littéraire (Boccace avait déjà écrit une première version de Griselidis dans le Décaméron). Le travail que Perrault opère sur cette matière déjà existante, c'est qu'il les moralise et en fait des outils « à l'enseignement des jeunes enfants ». Ainsi, il rajoute des moralités à la fin de chaque conte, signalant quelles valeurs il illustre.

 

Marc Soriano dit de Perrault qu'il est « le plus méconnu des classiques » : tout le monde connaît ses contes, mais très peu connaissent sa version des contes : ainsi, chez Perrault, le petit chaperon rouge et sa grand-mère finissent mangées par le loup : la version postérieure où le chasseur les sort du ventre est de Grimm. De même, c'est dans Disney que le baiser du prince réveille la Belle au Bois Dormant : chez Perrault, elle se réveille toute seule après que le Prince se soit agenouillé près d'elle. De même, on a longtemps eu un doute sur la fameuse pantoufle de verre : était-elle en verre ou en vair? C'est en fait Balzac qui, pour rationaliser les contes de Perrault, modifia le conte en prétendant qu'il s'agissait d'une pantoufle de vair. Il s'agissait bien d'une pantoufle de verre. Et la postérité a préféré ne garder que ce que Perrault appelait le « conte tout sec », c'est-à-dire le conte de fée, en oubliant les moralités. Or, les moralités de Perrault sont tout aussi essentielles à ses contes que ne le sont les moralités des Fables de La Fontaine

 

 1696 - Louis XIV achève les travaux de Versailles